Nouvelles exigences de déclaration des fiducies : ce qu’il faut savoir

par CPA Canada

Des modifications substantielles apportées aux règles régissant les déclarations de fiducies suscitent la crainte que de nombreux fiduciaires de longue date n’ayant jamais eu à en produire une pourraient bien méconnaître leurs nouvelles obligations.

« Certains types d’arrangements de fiducie sont très simples, bien acceptés et établis depuis longtemps. Par exemple, une fiducie pourrait avoir été créée pour qu’une personne responsable protège les biens d’un membre de la famille vulnérable », souligne John Oakey, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada.

L’obligation pour les fiducies de fournir des renseignements supplémentaires sur la propriété effective avait été proposée à l’origine dans le budget de 2018. La loi à l’appui de cette mesure, adoptée en 2022, s’applique maintenant aux simples fiducies ainsi qu’aux fiducies dont l’année d’imposition se termine après le 30 décembre 2023.

« Cette nouvelle obligation balaie très large : plusieurs déclarants concernés pourraient même ne pas réaliser qu’ils ont la propriété effective d’une fiducie, ajoute-t-il, sans parler des responsabilités à l’égard de celle-ci. »

Des sources de préoccupation

Les simples fiducies, notamment, soulèvent bien des inquiétudes du fait qu’elles sont très communes et englobent de nombreux arrangements de fiducie. Ainsi, un parent qui cosigne un prêt hypothécaire pour un enfant disposant d’un faible revenu pourrait être réputé avoir créé une simple fiducie aux fins de l’impôt, explique John Oakey.

De même, un enfant qui reçoit en héritage de ses grands-parents plus de 50 000 $ détenus en fiducie dans un compte bancaire ou un parent qui gère un compte en fiducie pour un enfant adulte handicapé constituent des arrangements pouvant être désormais considérés comme des fiducies tenues de produire une déclaration.

Avant l’adoption de la loi, les exigences relatives à la déclaration des fiducies étaient plutôt simples et assez limitées. Par exemple, si une fiducie avait vendu une immobilisation, les fiduciaires étaient tenus de fournir des informations à ce sujet. Or aujourd’hui, à moins d’être spécifiquement exonérés de cette obligation par l’ARC, les fiduciaires de tout type de fiducie doivent se conformer aux nouvelles exigences de production, et donc bien connaître leurs responsabilités à cet égard.

La modification des règles de déclaration se fonde sur un rapport de 2014 du Groupe d’action financière (GAFI) appelant à l’amélioration de la collecte de renseignements sur la propriété effective dans le cadre d’efforts pour prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme à l’échelle mondiale.

Le GAFI voulait ainsi éviter des cas problématiques tels qu’une société-écran sans propriétaire apparent aux yeux des autorités, ou une fiducie dont il est impossible de retrouver le ou les propriétaires bénéficiaires.

« Malgré tout, l’élargissement des règles sur la propriété effective aux simples fiducies se trouve à accroître considérablement le cadre des obligations fiscales, précise John Oakey. Il pourrait en résulter entre comptables, avocats et autres professionnels un flux massif de renseignements transactionnels, où risquerait alors de se perdre le type d’information que le fisc cherchait précisément à contrôler. »

Les nouvelles exigences

Les fiduciaires tenus de se conformer aux nouvelles exigences fiscales doivent remplir et transmettre à l’ARC le formulaire T3 Déclaration de renseignements et de revenus des fiducies ainsi que l’annexe 15 Renseignements sur la propriété effective d’une fiducie. L’échéance pour le faire en 2024 est le mardi 2 avril.

En cas de retard ou d’omission de production, une pénalité stricte de 25 $ sera imposée par journée en souffrance, jusqu’à concurrence de 2 500 $. Un formulaire obligatoire incomplet peut également donner lieu à une pénalité de 100 $ par événement. S’il manque des informations substantielles dans un formulaire, l’ARC pourrait déterminer que ce dernier n’est pas valide et imposer la pénalité maximale de 2 500 $.

Dans le cas de faux énoncés ou dans des circonstances équivalant à une négligence grave, la pénalité maximale est encore plus sévère, et correspondra au plus élevé des montants suivants : 2 500 $ ou 5 % de la juste valeur marchande des biens détenus par la fiducie au cours de l’année visée.

Compte tenu de ces modalités, des préoccupations ont été soulevées quant à la possibilité pour des fiduciaires de se voir imposer des pénalités ou de se heurter à des difficultés d’ordre logistique si l’information requise est incomplète, ou tout simplement manquante.

Les règles encadrant les nouvelles exigences exigent toutefois que des efforts raisonnables soient déployés par les fiduciaires afin d’obtenir les informations nécessaires sur la fiducie pour la déclaration de revenus. Si durant cet exercice, un fiduciaire découvre que la fiducie a des bénéficiaires inconnus et ne peut par conséquent remplir adéquatement son obligation de déclaration, il pourrait être protégé par ce qui s’apparente à une défense de diligence raisonnable en vertu de la réglementation.

« Les fiduciaires doivent raisonnablement tenter d’obtenir et de déclarer les informations requises sur chaque personne associée à la fiducie pour minimiser les risques qu’une pénalité leur soit imposée, conseille John Oakey. Si seule une partie de l’information sur un bénéficiaire est disponible, la mesure la plus prudente consiste à divulguer tous les renseignements dont on dispose à son sujet. Il ne faut pas écarter complètement ce bénéficiaire de la déclaration, car il y a toujours obligation d’information de la part du fiduciaire. »

En réponse aux préoccupations soulevées par CPA Canada, l’ARC a indiqué qu’elle renoncerait aux pénalités imposées aux simples fiducies si le formulaire T3 et l’annexe 15 relativement à l’année d’imposition 2023 n’étaient pas produits avant la date limite de déclaration pour 2024. Néanmoins, les déclarations tardives devront toujours être produites une fois la date limite passée, et des pénalités pourraient tout de même s’appliquer dans les cas où le défaut de production résulterait d’une omission en toute connaissance de cause ou dans des circonstances équivalant à une négligence grave.

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