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Magazine Pivot

Pour les CPA, l’heure est au bilan de santé mentale

Anxiété, dépression, épuisement, bien des CPA souffrent en silence. Mais les mentalités évoluent et de nouveaux outils apparaissent.

Selon une étude, les CPA seraient moins enclins à signaler un problème de santé mentale. (Getty Images/JGI/Tom Grill)

Faut-il s’en étonner? Depuis quelques années, les CPA, comme tant d’autres professionnels, ne sont pas épargnés par les problèmes de santé mentale. La pandémie, montrée du doigt, n’est pourtant pas la seule au banc des accusés. À en croire une enquête récente menée par un groupe de professeurs d’universités canadiennes, 52 % des 312 professionnels de la comptabilité interrogés ont vécu des difficultés : au premier rang du cortège, l’anxiété, suivie du stress, de la détresse et de l’épuisement. Parmi les répondants aux prises avec un problème de santé mentale, 58 % souhaitaient changer de cadre de travail, et 48 % envisageaient de demander un congé de maladie.

Il s’avère aussi que, comparativement aux membres de six autres professions, les CPA étaient moins enclins à signaler un problème de santé mentale ou à prendre un congé de maladie.

L’étude est en cours, mais Merridee L. Bujaki, FCPA, coresponsable du volet Profession comptable de l’enquête Healthy Professional Worker Partnership, se dit « rassurée de voir que la profession commence à prendre au sérieux les méfaits de la maladie mentale dans ses rangs ».

Selon les premiers constats, dans le domaine de la comptabilité, les femmes seraient davantage disposées à faire état de difficultés d’ordre psychologique (59 %) que leurs confrères (45 %).

« Nous poursuivons l’analyse, mais l’écart serait à rapprocher des attentes sociales, qui veulent que les femmes plutôt que les hommes soient encore aujourd’hui appelées à prendre en charge les enfants et les aînés. »

Un certain nombre de répondants, faute de soutien au travail, ont opté pour un nouvel emploi valorisant, dans une organisation où la culture favorise le bien-être et la résilience. Il s’agit peut-être de l’une des raisons pour lesquelles les CPA prennent moins de congés de maladie que les autres professionnels. « Il se peut que les CPA décident plutôt de partir, et de chercher un employeur accueillant et des responsabilités équilibrées. »

En 2020, des chercheurs australiens ont prouvé que, pour les comptables, la présence de superviseurs compréhensifs et l’accès à des programmes de mentorat efficaces venaient réduire considérablement la fréquence des situations d’épuisement et renforcer le sentiment d’appartenance à l’organisation.

Pour les CPA qui dirigent une équipe, si certains employés vivent des difficultés, les questions de la santé mentale ne pourront être éludées, ajoute Merridee L. Bujaki, qui recommande d’offrir aux superviseurs des formations structurées pour les guider. Évidemment, les ressources et les services d’aiguillage en santé mentale s’avèrent utiles. Et surtout, il y a lieu de normaliser les conversations sur le sujet entre consœurs et confrères : « Les personnes qui souffrent ne sont pas forcément en mesure de consulter, de lancer un appel à l’aide et de s’outiller. »

Merridee L. Bujaki conseille aux employeurs de laisser les CPA reprendre leur souffle après les périodes de pointe. Les temps d’arrêt, qui favorisent le ressourcement et le mieux-être, font aussi office d’outil pour fidéliser le personnel. « On s’interrogera sur l’organisation du travail de comptabilité et de certification, sur le nombre de clients et de dossiers confiés aux professionnels, et sur les cas où les exigences de la clientèle passent avant le bien-être du personnel. »

Certains des grands cabinets comptables du pays multiplient déjà les efforts pour épauler les troupes.

« Nous souhaitons que les membres de l’équipe diversifient et renouvellent leurs outils sur le plan psychologique », explique Denis Trottier, premier responsable, promotion de la santé mentale, à KPMG au Canada. « Je le souligne, nos séances sur la santé mentale, proposées à toutes les recrues en intégration, tout comme nos formations sur la gestion du stress pour les candidats à l’EFC, ont été fort bien accueillies. »

De plus, dans de nombreux bureaux, KPMG a créé des groupes d’alliés en santé mentale, qui discutent de divers enjeux et se consacrent à la sensibilisation.

« En comptabilité, le métier nous apporte de solides atouts : jour après jour, on apprend et on se tient au courant des derniers développements. Cela dit, les exigences des clients se multiplient, les échéances se chevauchent, les cours à suivre se succèdent, ce qui vient compliquer la conciliation travail-vie personnelle. Il faut attaquer le mal à la racine, et les CPA ont tout intérêt à faire le point sur les facteurs qui les fragilisent », rappelle Denis Trottier. À chacun de se prendre en charge pour veiller à un juste équilibre.

« Chez KPMG, le médecin qui se penche sur ces questions a constaté que les CPA en difficulté qui choisissent de démissionner et d’aller ailleurs finissent par rechuter, dans leur nouvel environnement. Je les invite à s’interroger, au lieu de rejeter la faute sur le travail lui-même, pour voir comment préserver leur équilibre, s’épanouir et réussir à fond. »

EN SAVOIR PLUS

Voyez par où en est passé Denis Trottier, premier responsable, Promotion de la santé mentale, chez KPMG Canada. De plus, consultez ces techniques pour prévenir l’épuisement professionnel tant chez les employés que chez les gestionnaires.